Peut-on être licencié pour avoir "liké" des publications sur les réseaux sociaux

Publié le 03 février 2025


Sur Facebook, Instagram, X ou encore LinkedIn, nos opinions personnelles peuvent-elles nous être reprochées par notre employeur ? Franceinfo a posé la question à une avocate spécialiste du droit du travail.
Un salarié peut-il être licencié pour des "likes" ou des partages de publications politiques sur les réseaux sociaux ? La question se pose après la démission, mardi 28 janvier, du président du groupe de presse Ebra, Philippe Carli, mis en cause pour avoir "liké" sur le réseau social LinkedIn des publications de personnalités d'extrême droite. Entretien avec Emilie Méridjen, avocate en droit du travail.franceinfo : Est-ce qu'un employeur peut exiger de ses salariés un comportement à tenir sur leurs réseaux sociaux ?
Emilie Méridjen : C'est possible, certains grands groupes mettent en place des chartes d'utilisation des réseaux sociaux. Ce ne sont pas des chartes d'interdiction pure et simple mais plutôt des chartes de recommandations et de bonnes pratiques, parce qu'il est extrêmement compliqué, en droit du travail, de dire : "Tu n'as pas le droit de dire ça et tu n'as pas le droit de faire ça". Ça pose bien sûr la question de la liberté d'expression qui est garantie par la Constitution et par le Code du travail.
Cette liberté d'expression, il est possible d'y apporter une restriction. On parle alors d'une exception au principe. Elle ne peut être justifiée que si elle se fait en rapport avec le travail du salarié et proportionnellement au but recherché. C'est la règle générale mais le sujet est très sensible. Certains salariés ont par exemple des clauses de neutralité, qui ne sont pas spécifiques aux réseaux sociaux, mais qui l'engagent à s'abstenir de donner un avis personnel sur certains sujets. Le statut du salarié dans l'entreprise est aussi largement pris en compte.

Est-ce que cette appréciation dépend du réseau social, qu'il s'agisse de Facebook, Instagram ou LinkedIn ?
La question du support se pose mais aussi celle de l'accessibilité des publications. Si je poste sur Facebook "Mon boss est un connard" et que ma publication n'est accessible qu'à mes amis ou qu'à un groupe privé, cela relève normalement de la vie privée et des conversations de nature privée. Mais la jurisprudence estime que si vous avez 2 000 amis, par exemple, et que cette publication est visible par 2 000 personnes, on sort du cadre privé.Les personnes qui publient ou likent des publications sur LinkedIn sont identifiées par leur nom, leur prénom et par leur entreprise. La particularité de LinkedIn n'est pas mentionnée dans le Code du travail, c'est donc la jurisprudence qui tranche. Plusieurs Cour d'appel ont estimé qu'un employeur peut légitimement se prévaloir d'une publication d'un salarié sur LinkedIn dans le cadre d'une procédure disciplinaire, notamment pour justifier d'une atteinte à l'image de l'entreprise.


Même lorsqu'il s'agit de propos qui n'ont rien à voir avec l'emploi du salarié ou avec le monde du travail ?
Effectivement, la nature du propos est prise en compte. Et là encore, c'est assez subjectif. La règle, c'est qu'on ne peut pas sanctionner quelqu'un pour un fait qui est extérieur à l'entreprise sauf en cas de trouble objectif caractérisé. C'est par ce biais-là qu'on peut raccrocher des propos ou des faits extraprofessionnels à un motif de sanction. Par exemple, pour un like qui traduirait des convictions politiques, il faut que l'employeur puisse justifier d'un trouble objectif caractérisé. Évidemment, le statut du salarié dans l'entreprise est, là aussi, déterminant puisqu'il induit une influence plus ou moins forte sur la réputation ou l'image de l'entreprise.


La mention "mes publications n'engagent que moi", est-elle suffisante pour écarter la responsabilité de son activité sur les réseaux sociaux ?
Ça fait partie des recommandations qu'on retrouve souvent dans les chartes d'utilisation des réseaux sociaux. Mais il est souvent considéré que n'avoir cette mention que dans sa présentation est insuffisant. Il est demandé, en général, que ce soit indiqué dans chaque publication pour se protéger d'éventuelles sanctions.

source: franceinfo