La réforme de l’assurance chômage : une escroquerie intellectuelle !
Pour que les gens comprennent une réforme, faut-il encore que les mots employés correspondent aux actions déployées, à la réalité constatée. Là, c’est exactement le contraire qui va être fait.
En effet, le gouvernement nous parle de mise en place de mesures contracycliques, c’est-à-dire de mesures qui vont dans le sens contraire du cycle économique alors que justement les mesures proposées sont procycliques. Il s’agit de raccourcir les droits des chômeurs lorsque l’économie et le marché du travail vont bien et de les allonger dans le cas contraire.
De plus, la promesse du gouvernement de « mieux protéger en cas de retournement conjoncturel » est purement et simplement mensongère. Les chômeurs auront au mieux les mêmes droits qu’aujourd’hui lorsque le chômage sera très élevé mais auront une protection moindre dans tous les autres cas. Nous cherchons encore l’amélioration promise, le fameux « mieux protéger » !
Cette réforme est en fait une reforme opportuniste, utilisant la tension de la main d’œuvre comme prétexte pour avancer dans une conception bien plus globale de la protection sociale tout en permettant à l’état d’économiser plusieurs milliards par an en catimini.
Réforme opportuniste, car les mesures ne répondent en rien aux problématiques énoncées de tension de la main d’œuvre tant concernant le niveau ou le fond.
Tout d’abord sur le niveau : les emplois non pourvus selon la Dares ont été de 360 000 durant tout le premier semestre 2022 alors qu’il y avait 3,1 millions de personnes en catégorie A inscrites à pôle emploi, soit juste un peu plus de 11% et que 60% des 6 millions de personnes inscrites ne touchent aucune indemnité.
Sur le fond ensuite : il y a deux problèmes principaux, un sur les emplois à faible qualification et un sur les emplois qualifiés. Sur les emplois nécessitant peu de qualification, la combinaison de mauvaises conditions de travail, de contraintes horaires et de faibles rémunérations décourage la population susceptible de postuler. Pour ces métiers-là, l’évolution de l’organisation du travail et des salaires semble primordiale. Pour les emplois qualifiés, là c’est un problème d’offre qui ne pourra se résorber que dans le temps via une modification de l’offre de formation tant initiale que continue. Ce n'est pas en incitant les chômeurs à reprendre le premier emploi venu que le problème de compétences en France se réduira. Si l’incitation était la solution miracle, depuis l’introduction de la dégressivité, nous n’aurions pas 100 000 cadres au chômage de longue durée !
La réalité, c’est que cette évolution paramétrique permet d’avancer sur la transformation de l’assurance chômage en une prestation sociale de solidarité. Le but étant de faire que l’assurance chômage rentre à terme dans la protection sociale, dont l’état déterminera l’ensemble des paramètres et fera voter à la représentation nationale le financement et les dépenses en fonction des priorités du moment. Cela permettra également de rassembler différentes aides comme l’a fait l’Allemagne…tout en baissant le niveau de prestation globale.
L’implémentation de cette vision a commencé au milieu des années 2000 en empêchant les partenaires sociaux de mettre en en place des réserves financières puis en fusionnant ANPE et Assedic en 2008. Depuis l’arrivée de Macron, l’accélération est foudroyante : lois en 2018, 2019,2022 (et une prévue en 2023) qui ont transformées, dénaturées l’assurance chômage. Dans les faits, l’état a pris totalement la main sur l’assurance chômage et veut finir la transformation au plus vite.
L’arrivée de France travail devrait également permettre de franchir une nouvelle étape en rassemblant la gestion de tous les demandeurs d’emplois et/ou assistés en capacité de travailler, officiellement pour mieux les accompagner mais surtout pour mieux les contrôler ...et donc les sanctionner. De même, la dénomination du futur opérateur ne reflétera pas la réalité de son activité. En effet, passer de pôle emploi à France travail suscite une notion de changement d’échelle qualitatif et une promesse difficilement tenable. Car un emploi, c’est juste pour se nourrir, un travail c’est pour s’épanouir. Et La priorité de tout chômeur de longue durée est de retrouver au plus vite un emploi.
Ainsi, l’état en prenant la main et en pilotant comme il le veut l’ensemble de la protection sociale, économisera de très nombreux milliards par an (au moins une dizaine) sur les plus vulnérables. Pour la CFE-CGC, lorsque l’état veut s’occuper des personnes en difficulté en reprenant la main sur des dispositifs paritaires, c’est moins pour leur bien que pour les économies qu’il entend réaliser.
Jean-françois Foucard
Secrétaire confédéral CFE-CGC
En charge des parcours professionnels, de l’emploi et de la formati