Du 19 au 21 novembre, à Paris, chercheurs, acteurs publics et privés étaient conviés sous un dôme blanc installé devant la gare Montparnasse, à repenser la santé mentale en milieu professionnel.
Ateliers, conférences, témoignages de terrain et d’experts… Comment repenser nos relations en milieu professionnel ? Retour sur l’événement «Cap sur la santé mentale, bilan et perspective pour l’emploi», qui s’est tenu du 19 au 21 novembre à Paris.
Au programme de ces trois journées gratuites et en libre accès, des ateliers, des conférences, mais aussi des espaces de ressources et d’écoute confidentielle. L’ambition : «déstigmatiser» un sujet encore tabou, et offrir des pistes concrètes d’amélioration.
Comment protéger sa santé mentale quand le travail devient un facteur de risque ? Le jeudi, dans une ambiance animée, la question a rassemblé un panel d’experts devant un public attentif. Grégory Mykolow, cadre de santé et docteur en psychosociologie au Cnam, a souligné que les risques psychosociaux (RPS) devaient être considérés comme un symptôme d’un travail malade, trop rarement interrogé. «Pour améliorer la santé mentale au travail, il faut profondément transformer son organisation. Aujourd’hui, nous entretenons un rapport subjectif à l’emploi, alors même que nous vivons dans un monde de plus en plus objectif», a-t-il détaillé. Depuis quelques années, l’exigence d’efficience envahit en effet tous les métiers (y compris ceux du soin et de l’entretien), réduisant chaque poste à des actes, des process, que la réalité dépasse pourtant largement. En clair, le coût subjectif du travail n’est pas pris en compte par l’organisation professionnelle. «Humainement, cela nous rattrape. Le réel va résister, et c’est la nuit qu’il va nous réveiller», a alerté Grégory Mykolow.
La médecin Floriane Dion en est convaincue, elle qui est confrontée, dans son cabinet, à une«vraie épidémie» de stress chroniques, souvent liés à des contextes de réorganisations professionnelles (changements de directions, fusions d’équipes, etc.). «Le changement peut être nécessaire, mais il fait peur. Il faut alors en discuter, et le co-construire avec les agents ou les salariés, ce qui est rarement fait», a pointé la praticienne.
Deux tendances renforcent ces risques psychosociaux : l’ultra-polyvalence, qui crée de l’incompétence (personne n’est plus expert de rien) et l’augmentation du «multi-tasking», cette fragmentation des tâches néfaste pour la concentration : «Les études sont claires, on a toutes les chances de s’épuiser». Pour contrer ces risques, Floriane Dion invite à pratiquer une forme de sobriété dans le travail. Sanctuariser du temps de qualité, ne pas surcharger ses journées… Pas si simple !
Anne-Sophie Vives en sait quelque chose, elle qui est passée par un burn-out avant de créer l’association L’BURN, issue de la communauté d’entraide entre femmes «Les BURN’ettes». Si les troubles psy liés au travail sont deux fois plus élevés chez les femmes, ce n’est pas un hasard : davantage employées dans les métiers de la coordination, du soin (plus exposés aux risques psychosociaux), elles sont aussi plus souvent confrontées aux difficultés de conciliation vie privée - vie professionnelle, du fait de leur charge domestique en moyenne plus élevée que celle des hommes.
Et lorsqu’elles sont en situation de burn-out, le sentiment de honte est encore très présent : le chemin de la déstigmatisation est encore long. Le psychiatre Etienne Duranté le confirme, lui qui conseille à ses patients de ne pas mentionner à leurs employeurs la raison de leur arrêt de travail - la dépression. «Ils ont trop à y perdre».
En attendant que les organisations professionnelles opèrent une nécessaire révolution, Floriane Dion a élaboré un test de dépistage en ligne, gratuit. Cinq minutes pour interroger sa relation au travail, et évaluer son risque au burn-out : rendez-vous sur lafresquedustress.com
source : liberation.fr