Réformes des retraites : ce que disent la loi et les projets de décret sur les mesures d’âge

Publié le 03 mai 2023


L’échéance du 1er septembre 2023, date d’entrée en vigueur de la réforme des retraites, se rapproche. Afin que les caisses puissent se préparer à sa mise en œuvre, le gouvernement doit sortir les textes d’application rapidement, notamment concernant les mesures d’âge. Ces dispositions centrales du projet du gouvernement sont traduites dans les articles 10, 11 et 17 de la loi. Deux projets de décret (décret simple et décret en Conseil d’État) soumis pour avis dans les instances, sont pris en application de ces articles et viennent préciser plusieurs dispositions, dont voici le détail.

Essentiellement de nature paramétrique, la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 s’articule autour de deux principaux axes : le recul progressif de l’âge de départ à la retraite (de 62 à 64 ans) et l’augmentation de la durée de cotisation requise pour le taux plein à travers une accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme "Touraine" (pour atteindre 43 annuités dès 2027). Les dispositions de départs anticipés (pour carrières longues, handicap, incapacité permanente ou invalidité) sont maintenues et adaptés.

 

Ces dispositions centrales du projet du gouvernement sont traduites dans les articles 10, 11 et 17 de la loi. Deux projets de décret (décret simple et décret en Conseil d’État), actuellement soumis pour avis aux caisses de sécurité sociale, sont pris en application de ces articles et viennent préciser plusieurs dispositions.

Age de départ et durée de cotisation (article 10 de la loi, article 1 du projet de décret simple et article 1 et 6 du projet de décret en CE).

 

L’article 10 prévoit un relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite à partir du 1er septembre 2023, à raison de 3 mois par génération pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961, pour atteindre l’âge cible de 64 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968, en 2030. A noter : Sont aussi concernés, comme cela fut le cas lors des réformes précédentes, les agents relevant des catégories actives et "super actives" qui devront donc attendre respectivement 59 et 54 ans (et non plus 52 et 57 ans) pour faire valoir leurs droits à la retraite.

Il prévoit également un allongement de la durée de cotisation requise pour percevoir une pension de retraite à taux plein, à travers une accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme des retraites de 2014 dite "réforme Touraine". La cible des 43 annuités, soit 172 trimestres reste inchangée, mais devra être atteinte dès 2027 - au lieu de 2035 - pour les assurés nés à partir du 1er septembre 1961.

L’âge du taux plein automatique, lui, reste inchangé, à 67 ans (62 ans pour les actifs et 57 ans pour les super-actifs dans la fonction publique). Soulignons au passage que la décote, qui peut atteindre actuellement 25 % du montant de la pension, sera limitée à 15 % après la réforme, compte tenu de la réduction de l’écart entre l’âge d’ouverture des droits et l’âge d’annulation de la décote.

Enfin, les possibilités de rachat de trimestres pour les sportifs de haut niveau, au titre des études supérieures ou des stages sont assouplies.

 



Départs anticipés : un dispositif générique

Un des apports de la loi est de réunir au sein d’une disposition générique toutes les hypothèses dans lesquelles un assuré est autorisé à partir avant l’âge légal. Outre le dispositif applicable aux carrières longues, sont ainsi regroupées dans un nouvel article L. 351-1-1 A du Code de la sécurité sociale les modalités d’abaissement de l’âge pour les assurés en situation de handicap, reconnus inaptes au travail ou justifiant d’une incapacité permanente ; utilisant leur compte professionnel de prévention ; demandant la liquidation partielle de leur pension dans le cadre de la retraite progressive.

La retraite anticipée pour carrière longue (article 11 de la loi, article 3 et 8 du projet de décret simple).

Jusqu’à présent, les assurés ayant validé, avant l’année civile de leurs 16 ans, au moins 5 trimestres d’assurance (4 trimestres pour ceux nés au cours du dernier trimestre de l’année civile) pouvaient liquider une pension de retraite à taux plein à partir de 58 ans, ou à partir de 60 ans si cette condition était remplie avant la fin de l’année civile de leurs 20 ans.

La loi indique que le dispositif pour longue carrière peut être anticipé selon quatre bornes d’âge dont le plus élevé ne peut excéder 21 ans, dans des conditions fixées par le décret ; l’assuré doit réunir une durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à sa charge au moins égale à une limite fixée par décret qui ne peut être supérieure à la durée d’assurance requise pour le taux plein ; un décret précise les conditions dans lesquelles, le cas échéant, peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations certaines périodes assimilées à des périodes d’assurance ainsi que les périodes validées en application de l’assurance vieillesse des parents au foyer de l’assurance vieillesse des aidants.

Les deux textes viennent donc préciser en ce sens le dispositif. À noter : ce dernier est applicable dans le régime des salariés, mais aussi de manière identique ou très similaire pour les fonctionnaires, les professions libérales, les avocats et les non-salariés agricoles.

Le I de l’article D.351-1-1 CSS est donc modifié par le projet de décret simple et prévoit que la durée d’assurance cotisée minimum ouvrant droit à une retraite anticipée pour carrière longue correspond à la durée d’assurance requise pour obtenir le taux plein. Le projet de décret indique que la durée d’assurance cotisée est majorée, dans la limite de 4 trimestres, des périodes AVPF et aidants - avec une ambiguïté sur la rédaction, note-t-on.

Ce texte prévoit également comme annoncé par le gouvernement que l’âge de début d’activité est fixé à : 16 ans pour un départ à compter de 58 ans ; 18 ans pour un départ à compter de 60 ans ; 20 ans pour un départ à compter de 62 ans ; 21 ans pour un départ à compter de 63 ans. Ces dispositions s’appliquent en l’état pour les assurés nés à compter de 1970. Toutefois, pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1969 et ayant débuté leur activité avant 20 ans, compte tenu de l’augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite, le projet de décret adapte l’âge de départ anticipé. Le nombre de trimestres que l’assuré doit réunir à l’âge de début d’activité pour bénéficier d’un départ anticipé pour carrière longue est inchangé.



En cas d’activité avant 20 ans, l’âge minimal de départ anticipé varie de 60 à 62 ans selon l’année de naissance. Pour les assurés nés du 1er septembre 1961 au 31 août 1963 l’âge d’ouverture à la RACL est fixé à 60 ans ; pour les assurés nés entre le 1er septembre 1963 et le 31 décembre 1968, l’âge d’ouverture à la RACL est fixé 2 ans et 6 mois avant leur âge légal de départ à la retraite, soit un départ minimal à partir de 60 ans et 3 mois, pour les générations nées entre le 1er septembre 1963 au 31 décembre 1963 ; 60 ans et 6 mois, pour les générations nées en 1964 ; 60 ans et 9 mois, pour les générations nées en 1965 ; 61 ans, pour les générations nées en 1966 ; 61 ans et 3 mois, pour les générations nées en 1967 ; 61 ans et 6 mois, pour les générations nées en 1968 ; 61 ans et 9 mois, pour les assurés nés en 1969.

Enfin, nouveauté notable, le projet de décret prévoit des mesures dérogatoires en matière de retraite anticipée pour carrières longues pour les assurés : nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 ; et qui justifient, avant le 1er septembre 2023, de la durée d’assurance cotisée exigée avant l’entrée en vigueur de la LFRSS pour 2023. À leur demande, ces assurés pourront prendre leur retraite anticipée, à compter du 1er septembre 2023, dans les conditions d’ouverture de droit applicables avant l’entrée en vigueur de la réforme (début d’activité avant 20 ans et 168 trimestres cotisés). Le but : faire en sorte que les salariés qui remplissent les conditions des carrières longues à la date du 1er septembre puissent éviter toute perte d’éligibilité s’ils partent un peu plus tard, alors que les conditions auront alors changé en raison de la hausse de la durée de cotisation requise (accélération de la loi Touraine).

 

La retraite anticipée des assurés handicapés (article 11, article 4 du projet de décret simple).

Actuellement, les assurés doivent justifier d’une durée d’assurance totale et d’une durée d’assurance cotisée handicap pour partir à compter de 55 ans, un âge inchangé. L’article 11 supprime la condition de durée d’assurance totale et ne conserve qu’une condition de durée d’assurance cotisée pour bénéficier de la retraite anticipée. Celle-ci correspond à une fraction de la durée d’assurance nécessaire à l’obtention du taux maximum de 50 %, et sera désormais fonction de l’année de naissance des assurés.

À noter : le projet de décret simple prévoit de diminuer la durée d’assurance cotisée pour compenser l’augmentation du nombre de trimestres requis pour bénéficier du taux plein pour les générations nées à compter du 1er septembre 1961 jusqu’au 31 décembre 1972. Pour les générations 1973 et suivantes, les durées d’assurance cotisées requises restent identiques à celles en vigueur avant la LFRSS, puisque la durée d’assurance taux plein n’a pas changé pour elles.

Enfin, afin de permettre à un plus grand nombre de personnes atteintes d’une incapacité permanente et justifiant de la durée d’assurance requise mais ne pouvant bénéficier de la retraite anticipée pour handicap de voir leur situation examinée par la commission d’examen médicale, le législateur abaisse de 80 % à 50 % le taux d’incapacité requis pour saisir cette commission.

 

a retraite pour incapacité permanente (article 17, article 5 du projet de décret simple et article 6 du du projet de décret en CE).

Actuellement, les assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail peuvent partir sous conditions à partir de 60 ans. Désormais, les assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente à 20 % mais au moins égal à 10 % pourront aussi bénéficier de la retraite anticipée s’ils ont été exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pendant 17 ans - y compris pour les facteurs ergonomiques exclus du compte pénibilité - et s’ils établissent un lien direct entre l’incapacité permanente et ces facteurs. Une commission pluridisciplinaire est chargée de valider ces modes de preuve.

Au final, l’attribution de la retraite pour incapacité permanente est possible : à compter du 60e anniversaire, pour les assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % ; deux ans avant l’âge légal, soit 62 ans à terme, pour les assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente de 10 à 19 %.

Le projet de décret précise que si un assuré demande l’accès à la retraite anticipée pour incapacité permanente au titre d’une incapacité permanente consécutive à une exposition à des postures pénibles, manutentions manuelles de charges et/ou vibrations mécaniques, le fait que le ou les métiers, ou activités, qu’il a exercé pendant 17 ans soient inscrits dans une liste de métiers ou activités élaborée par une branche professionnelle pourra servir de justificatif pour établir le lien entre l’incapacité permanente et l’exposition à ces facteurs de risques.

Retraite anticipée des assurés invalides, handicapés, inaptes et bénéficiaires de l’AAH (article 11, article 6 du projet de décret simple et article 6 du projet de décret en CE).

Est créé un article L.351-1-5 CSS en vertu duquel sont éligibles à une retraite anticipée spécifique, à partir d’un âge fixé par décret.  : les assurés obtenant leur retraite au titre de l’inaptitude au travail ; les assurés bénéficiaires d’une pension d’invalidité, à laquelle succède la retraite au titre de l’inaptitude au travail ; les assurés bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), lesquels sont réputés inaptes au travail ; les assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 %, reconnu par la Commission départementale d’aide aux personnes handicapées.

Ainsi, notamment, l’âge de départ des assurés inaptes au travail et des personnes justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 % est abaissé à 62 ans, soit deux ans d’anticipation par rapport au nouvel âge légal de 64 ans à terme. 

Pour les personnes inaptes, sont précisées les conditions d’attribution de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

Demande d’annulation de la pension

L’article 10 de la LFRSS pour 2023 prévoit la possibilité, pour les assurés ayant demandé leur retraite avant la date d’entrée en vigueur de la loi et dont la pension prend effet à compter du 1er septembre 2023, d’obtenir, sur leur demande, une annulation de leur retraite ou de leur demande de retraite. Le projet de décret simple précise que, pour être recevable, la demande d’annulation devra être adressée aux organismes de retraite dans un délai de deux mois maximums à compter du lendemain de la publication du présent décret.

Documents

source : projet de décret simple retraite

                projet de décret en conseil d'état-retraite