Grève contre la réforme des retraites : "Le sentiment d'injustice est de plus en plus fort" pour la CFE-CGC

Publié le 02 février 2023


Les huit principaux syndicats appellent à se mobiliser ce mardi contre la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Parmi eux, la CFE-CGC, le syndicat de l'encadrement. Cadres, femmes, fonctionnaires, dialogue social, le président de l'union bretonne revient sur les points de crispation.Pour la deuxième journée de mobilisation contre le projet de loi de réforme des retraites, le front syndical reste uni.

Les huit principales fédérations appellent à manifester et à faire grève ce mardi, alors que lundi, les députés ont commencé à examiner le texte du gouvernement en commission des affaires sociales.

Parmi les syndicats qui appellent à la mobilisation, la CFE-CGC. Loïc Fanouillère, le président de l'union régionale en Bretagne, était l'invité de France Bleu Breizh Izel.France Bleu Breizh Izel :

Ce front syndical est encore inédit ?
Loïc Fanouillère : Oui, absolument. C'est une sorte de signal fort qui est donné au gouvernement et à l'ensemble de la population. C'était un geste important de voir ensemble les syndicats contre une réforme. Ça parle. On parle souvent de la légitimité d'un gouvernement à mettre en place une réforme qui a été développée pendant une campagne électorale, aujourd'hui, on parle de la légitimité du terrain.

Avec plus de deux millions de personnes dans la rue, ça fait aussi une très forte légitimité.

Oui, selon le décompte des syndicats.

Pourquoi est-ce que vous vous mobilisez autant cette fois-ci, vous qui représentez les cadres ?
Nous ne représentons pas que les cadres, nous représentons également l'ensemble des trois fonctions publiques. Nous sommes d'ailleurs majoritaires au sein du ministère de l'Intérieur. Les cadres ne rentrent pas tous cadres sur le marché du travail, ces cadres qui sont notamment impactés lorsqu'ils sont licenciés en fin de carrière.
C'est un des leviers que nous voulons soulever aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on a un problème d'employabilité sur notre territoire : 30 % seulement des personnes sont employées après 60 ans et les licenciements impactent énormément les cadres. Ils ont du mal à arriver à leur retraite puisque vous savez que l'indemnisation chômage, c'est deux ou trois ans et que pour faire le lien avec la retraite, ça va être très compliqué, voire impossible demain. Cette réforme pour certains cadres va entraîner une précarité.


Les cadres périment plus vite que les autres catégories ?
Quand on dit qu'il n'y a que 30 % des seniors qui sont employés après 60 ans, évidemment la masse salariale composée par les cadres est plus importante. Ce sont eux qui sont notamment les plus impactés puisque quand ils sont licenciés à 60 ans, demain donc pour aller jusqu'à 64 ans, ils ne pourront pas avec une indemnisation chômage. Cela veut dire qu'ils auront une année ou deux de précarisation.


Ils rentrent souvent plus tard aussi dans la vie active, certains ont fait plus d'études.
C'est aussi un paramètre. Mais de toute façon, cette réforme impacte tous les salariés. Cette réforme, pour nous, est profondément injuste. Elle n'a surtout aucun caractère d'urgence, sauf à financer d'autres lignes budgétaires. Nous avons des propositions à faire qui comblent les déficits annoncés par le COR (Conseil d'orientation des retraites), mais on n'est pas écouté. C'est pour ça que le sentiment de d'injustice est de plus en plus fort, notamment par rapport à la nature du dialogue social qui est mise en place.
Une "double peine pour les femmes", c'est ce qui mobilise aussi les détracteurs de la réforme. Les femmes, elles, ont des trimestres, notamment lors d'arrivée des enfants.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous estimez que c'est encore plus injuste ?


Il y a beaucoup de cas de figure. Mais on rappelle déjà qu'en France, les femmes ont un salaire inférieur d'environ 25 % par rapport aux hommes et que cet écart s'accentue au moment de la retraite. Il y a des compensations qui ont été mises en place pour combler ou du moins pour atténuer certaines injustices du fait des carrières hachées des femmes qui arrêtent leur travail pour élever leurs enfants. Mais mécaniquement, l'allongement de deux ans va recréer cette injustice et une fois de plus, les femmes vont être parmi les perdantes dans cette réforme. Et d'ailleurs, il n'y a pas que les syndicats qui le disent puisque le ministre chargé des Relations avec le Parlement a fait le même constat dans les médias.


Quelles sont vos solutions pour conserver ce système de répartition ? Augmenter, par exemple, les charges patronales ? Est-ce que c'est jouable ? Et pour vous qui représentez aussi l'administration, comment faire ?
Il faut se poser, arrêter de vouloir passer ces réformes avec un rouleau compresseur. Je pense que quand vous avez près de deux millions de personnes dans la rue et que vous avez un front unitaire inédit, exceptionnel, des syndicats, ça veut dire qu'on a réellement une difficulté. Je pense que personne ne se fait plaisir parmi les employés à manifester aujourd'hui. On demande d'arrêter cette réforme, de se remettre à la table de négociation. Nous aurons des propositions. Tout à l'heure, on parlait d'employabilité des seniors. Nous, nous voulons qu'il y ait plus de travail pour les Français et non pas que les Français travaillent plus. Donc, on a des solutions, notamment encore une fois le taux d'employabilité des seniors. S'il y a plus de personnes à travailler, il y aura plus de cotisations à rentrer. Rien que cette mesure-là pourrait nous amener quelques milliards d'euros dans les caisses de l'État.
Il y a des manifestations dans toute la France ce mardi, plus d'une vingtaine en Bretagne aujourd'hui. La dernière fois, c'était un jeudi. Pourquoi ne pas les faire le samedi ? Parce qu'en plus, on ne voit pas forcément beaucoup de cadres, par exemple, faire grève. Est-ce que ça ne permettrait pas à tout le monde de pouvoir manifester, à tous ceux qui le veulent ?

Les cadres se présentent dans les union locales, notamment en Bretagne, et de manière beaucoup plus intensive que lors des dernières manifestations. Après, ces jours de grève sont décidés par l'intersyndicale pour le moment et j'espère que ça va continuer. Aucun doute là dessus, il faut que cette homogénéité se poursuive.

Donc c'est décidé par l'intersyndicale au niveau des confédérations donc on suivra. Pour l'instant, nous n'avons pas de souci. On verra demain comment réagit le gouvernement.

source :francebleu.fr