La pénurie de matières premières va-t-elle accélérer la relocalisation des achats des entreprises ?

Publié le 12 janvier 2022


Face aux difficultés d'approvisionnement liées aux tensions sur le commerce mondial, elles seraient 47% à vouloir rapatrier une partie de leur achat au plus près de leur lieu de production. La pénurie de matières premières - qui risque de gripper l'économie - vont concerner 68% des sociétés françaises en 2022, estime le rapport.

Alors que le gouvernement tente de faire de la baisse du déficit de la balance commerciale une priorité, les entreprises se mettent déjà en action. Poussée par les défauts d'approvisionnement liés à la crise sanitaire - dont le redémarrage de l'économie a entrainé des goulots d'étranglement - les entreprises veulent accélérer la relocalisation de leur chaîne de valeur en France et en Europe. Selon une étude menée par le cabinet AgileBuyer et le Conseil national des achats, elles seraient 47% à vouloir rapatrier une partie de leur achat au plus près de leur lieu de production.

 

Depuis plusieurs mois, les industriels français font face à une pénurie de matières premières dans plusieurs secteurs. Selon l'étude publiée ce mardi, les secteurs touchés par les pénuries sont l'agroalimentaire et l'hôtellerie-restauration, à 82%, et presque autant l'industrie automobile (78%) - notamment à cause de la crise des semi-conducteurs, la métallurgie (75%) ainsi que la mode et le luxe (74%). Mais tous les secteurs sont concernés et seuls deux n'ont qu'une minorité d'entreprises signalant ces difficultés, la finance à 42% et l'informatique/télécoms à 38%.

Un risque majeur pour 2022

Les problèmes d'approvisionnement vont concerner 68% des sociétés en 2022. Pour 65% des 893 directeurs des achats sondés entre le 16 novembre et le 2 décembre 2021, ces difficultés auront "un fort impact sur les marges de l'entreprise".

Face à cette situation tendue, le ministère de l'Economie avait annoncé la mise en oeuvre d'un prêt pour l'industrie de 700 millions d'euros opéré par BPIfrance sur 10 ans. L'objectif de ce dispositif est d''accompagner les entreprises dans leur besoin en fonds de roulement et "renforcer leur structure financière" indiquait-on à Bercy. "Le plafond sera de 5 millions d'euros par entreprise mais on fera du cas par cas" ajoutait le ministère.

A Bercy, on craint que les difficultés d'approvisionnement grippe la reprise économique, déjà marquée par la hausse des prix de l'énergie. En France et en Europe, les pénuries entraînent déjà un ralentissement de l'activité. "La croissance a fortement ralenti en ce début de quatrième trimestre dans le secteur privé de la zone euro, les problèmes d'approvisionnement ayant paralysé le secteur manufacturier, tandis que l'expansion du secteur des services s'est essoufflée, le rebond d'activité amorcé à l'issue des confinements commençant à s'atténuer", expliquait l'économiste en chef de l'institut Markit Chris Williamson dans un communiqué publié en novembre 2021.

Relocaliser pour des raisons concrètes

"L'envie de relocaliser ne vient pas d'une espèce de patriotisme économique mais de raisons super-concrètes. D'abord le prix du transport a explosé, d'autre part les capacités de production sont tendues et trouver des fournisseurs plus proches répond à l'enjeu d'être fourni", a expliqué à l'AFP Olivier Wajnsztok, directeur associé d'AgileBuyer.

Aussi plus de quatre entreprises sur cinq (82%) vont mettre en place "des actions de sécurisation des approvisionnements en 2022", contre un peu moins de trois sur quatre (74%) il y un an, selon l'étude.

Bonne nouvelle, plus de neuf directeurs des achats sur dix considèrent que les pénuries qu'ils subissent sont "conjoncturelles" et seulement 9% qu'elles sont "structurelles".

Mais pour l'heure, le rapport de force entre donneurs d'ordre et fournisseurs, par le passé souvent favorable aux premiers, s'est inversé et 82% des directions d'achat considèrent avoir des relations "déséquilibrées et/ou défavorables avec certains fournisseurs". L'an dernier, elles n'étaient que 39% dans ce cas.

Sécuriser les approvisionnements stratégiques

Pour les donneurs d'ordre, les relations sont le plus défavorables lorsqu'ils achètent des matières premières, des métaux, des produits électroniques ou font appel à des services de transport. En conséquence, "l'objectif de réduction des coûts n'a jamais été aussi bas" pour les directions des achats, qui ne sont que 55% à poursuivre un tel but en 2022, contre 77% l'an dernier. Car constate M. Wajnsztok, actuellement "on ne peut pas réduire" les prix.

Le gouvernement, à travers son Plan France 2030, veut sécuriser à long terme une partie des approvisionnements des entreprises, notamment dans les domaines stratégiques. Mais pour mener à bien ce projet, il doit "s'appuyer sur une analyse précise des vulnérabilités des chaînes de valeur et implique une collaboration étroite entre l'État et les entreprises", explique Vincent Charlet, économiste et Délégué général de La Fabrique de l'industrie.

 

source :www.latribune.fr