Interview de Francky Vincent (CFE-CGC) , nouveau président de la fédération Assurance

Publié le 30 novembre 2021


Le 7 décembre prochain, Francky Vincent prendra les rênes de la Fédération CFE-CGC de l'assurance.

A quelques jours de sa prise de fonctions, le futur président du syndicat de l'encadrement évoque, en exclusivité pour l'Argus de l'assurance, les dossiers chauds qui vont animer son début de mandat.

Argus de l'assurance : Depuis la reprise sur site en juillet dernier, le télétravail se déploie dans toutes les entreprises de l’assurance.

Que pensez-vous de cette nouvelle organisation du travail ?

Francky Vincent : Si le télétravail apporte des solutions, il n’est pas non plus sans poser des problèmes. A terme, l’une des conséquences de déploiement du télétravail pourrait être la perte du lien social. Or, il ne faudrait pas que ce que j’appelle « l’esprit vestiaire », nécessaire pour créer les conditions de la réussite d’une équipe, disparaisse. Au sein du Syndicat national des inspecteurs d’assurances (SNIA), organisation que j’ai présidé au cours des six dernières années, nous avons déjà des professionnels qui managent leurs équipes à distance. De fait, nous proposons aujourd’hui aux entreprises – à travers la mise en place d’ateliers - de travailler avec elles sur cette problématique de management à distance, à travers nos retours d’expériences.

Quelles peuvent-être les conséquences de ce nouveau mode sur les métiers de l’assurance ?

Outre l’isolement, l’essor du télétravail peut aussi conduire à une perte progressive de compétences des salariés. A la CFE-CGC, nous demandons ainsi que, désormais, les entreprises mettent systématiquement en place des Gestions Prévisionnelles des Emplois et des Compétences (GPEC), spécifiques à l’hybridation des métiers. La généralisation du télétravail dans le monde de l’assurance a aussi un impact sur l’environnement des salariés, notamment sur l’aménagement des espaces de travail.

Comment vous positionnez-vous face à ces changements ?

Attention à ce que certaines de ces transformations ne contribuent pas justement à la perte de lien social ! Dans ce sens, si des acteurs du monde de l’assurance veulent réduire les mètres carrés de leurs locaux ou fermer leur restaurant d’entreprise uniquement pour des raisons économiques, la CFE-CGC s’opposera à ces projets. Car à terme, cette logique risque d’être contre-productive pour les entreprises, avec des risques de pertes de motivation des salariés, non incités à revenir au bureau.

Le déploiement du télétravail ne peut-il pas également être une menace pour l’avenir du syndicalisme ?

La crise du Covid pourrait effectivement avoir un impact sur le syndicalisme. Alors que le travail à distance se développe dans toutes les structures, comment continuer à conquérir de nouveaux adhérents et échanger avec les salariés quand une partie des effectifs est quotidiennement à distance ? Il faut que le syndicalisme se réinvente. Nous devons nous adapter à ce nouveau contexte, notamment en communiquant davantage sur nos actions via les réseaux sociaux. Nous devons être en capacité d’aller davantage à la rencontre des salariés dans les bureaux quand ils sont présents sur site, partout en France, mais aussi nous rendre disponibles pour les salariés en télétravail. Créer un maximum de rencontres pour expliquer ce que nous faisons auprès des directions mais aussi pour faire remonter les problématiques de terrain, tel est la clé du succès syndical de demain.

Quel regard portez-vous sur les nombreux rapprochements en cours dans l’assurance ?

Nous allons être attentifs à l’évolution des entreprises dans les prochains mois. Malgré la crise, les résultats de nombreux groupes sont bons et ces derniers cherchent aujourd’hui à investir. Sauf que dans plusieurs cas, les structurations envisagées – entre une mutuelle et une compagnie par exemple - sont surprenantes. Au travers de ces nouveaux ensembles, nous risquons d’être confrontés à des gestions complètement différentes, avec d’un côté des conseils d’administration à actionnariat et de l’autre, des CA paritaires. Dans ce contexte, notre rôle est d’être protecteur des métiers et des conventions collectives, celles-ci pouvant être différentes d’une entreprise à une autre. Un syndicat responsable et progressif comme le nôtre peut servir de pont pour bâtir un système de co-construction entre les entités.

Alors que s’ouvrent actuellement les Négociations annuelles obligatoires (NAO) chez de nombreux acteurs du monde de l’assurance, comment abordez-vous cette année ces discussions avec les employeurs sur les salaires ?

Les NAO s’annoncent intenses ! Durant la pandémie du Covid-19, les salariés ont fourni d’importants efforts et fait de vrais sacrifices pour que leur entreprise continue à tourner « quasi normalement ». Nous sommes l’un des secteurs qui a su le mieux s’adapter à cette crise. Les bons résultats commerciaux et la qualité maintenue du suivi du service client de ces structures sont d’ailleurs là pour le prouver. Cette adaptation a permis aux entreprises de créer de la richesse, à un moment où leurs frais de fonctionnement – du fait du télétravail généralisé – ont été largement réduits. Il est donc normal qu’il y ait un retour sur investissement.

Autre point : alors que l’inflation est repartie à la hausse, des augmentations générales doivent être obtenues lors des NAO, au risque sinon de réduire le pouvoir d’achat.

Une chose est sûre : si n’y a pas dans les prochains mois une bonne redistribution des richesses dans nos entreprises, je crains des pertes d’emplois pour notre secteur, beaucoup de salariés pouvant être tentés d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs.

source: www.argusdelassurance.com