Les économies imposées par l’État à l’assurance chômage ont conduit ces dernières années à une diminution significative des droits des travailleurs précaires enchaînant contrats courts et périodes de chômage.La lettre de cadrage ou un accord sur les ruptures conventionnelles. C’est l’alternative laissée par le gouvernement Lecornu aux syndicats et au patronat, auxquels il donne jusqu’à fin janvier pour restreindre les droits au chômage des salariés ayant choisi de “divorcer à l’amiable” avec leur employeur. Économies attendues par l’exécutif : 400 millions d’euros par an.Et une énième réforme de l’assurance chômage, après celles qui ont durci les conditions d’éligibilité, modifié les modalités de calcul des allocations et modulé les durées d’indemnisation en fonction de la conjoncture. « Depuis 2017, l’assurance chômage est réformée quasiment en continu. Et très clairement, la couverture du risque chômage s’est dégradée en termes de droits des demandeurs d’emploi », analyse Claire Vivès, sociologue au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET/Cnam).Les travailleurs précaires, aux périodes de travail souvent discontinues, ont été les principaux touchés par ces réformes imposées par décrets aux partenaires sociaux.
En 2020, un rapport de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) avait comparé les modalités d’indemnisation après chaque réforme de l’assurance chômage. Conclusions ? Les droits à indemnisation affichent depuis 1979 une stabilité remarquable pour les carrières classiques, au prix toutefois d’une baisse de la durée d’indemnisation. Mais à partir de 2019, les indemnités ont chuté pour les travailleurs intermittents – ceux qu’on retrouve en catégories B et C des demandeurs d’emploi – alors même que la part du travail précaire a doublé en quarante ans.Un chômeur indemnisable sur trois ne perçoit rien
Un salarié au Smic qui travaillerait un mois sur deux, par exemple, a vu son allocation chômage s’effondrer d’environ 40 % avec les nouveaux mécanismes. La proportion d’indemnisables ne percevant aucune indemnité connaît aussi une augmentation constante. En 2014, seul un demandeur d’emploi (en catégorie A, B et C) sur cinq se trouvait dans cette situation. C’est désormais un sur trois. « Au fil des réformes, le lien entre cotisations versées et prestations reçues est devenu de plus en plus étroit. Autrement dit, le système est de plus en plus contributif », relèvent les auteurs du rapport, parmi lesquels figure Claire Vivès.
« Au début des années 2010, on était beaucoup sur la flexisécurité, cette idée selon laquelle on n’exercera plus le même métier toute sa vie, et que les politiques d’assurance chômage, de formation et d’emploi devaient permettre d’accompagner ces transitions professionnelles. Aujourd’hui, ce discours a complètement disparu. L’idée mise en avant, c’est que l’assurance chômage serait un obstacle au retour à l’emploi. Et donc, le discours, c’est qu’il faut la rendre plus incitative – comprendre, il faut baisser les droits pour contraindre les gens à prendre des emplois qu’ils n’auraient pas acceptés autrement », reprend la sociologue.Depuis 2019, cette réduction des droits s’impose presque mécaniquement aux partenaires sociaux par le biais des lettres de cadrage, qui viennent leur fixer chaque année des objectifs d’économies. Celle préparée par François Bayrou, retirée par son successeur sous réserve d’accord sur les ruptures conventionnelles, prévoyait quatre milliards d’euros d’économies supplémentaires d’ici à 2030.
source: www.leprogres