Assurance chômage : accord députés-sénateurs au prix d’un durcissement pour les CDD

Publié le 10 novembre 2022


Pas d’allocations chômage pour un CDD ou intérimaire refusant deux fois un CDI pour un même poste : députés et sénateurs se sont mis d’accord sur le projet de loi assurance chômage avec un durcissement voulu par LR, mais dont la faisabilité pose question.

Le compromis trouvé, ce mercredi, en commission mixte paritaire, devra être encore voté dans les deux chambres, le 15 novembre à l’Assemblée et le 17 au Sénat, pour être définitivement adopté.

Ce texte permet au gouvernement de décider, jusqu’à la fin 2023, des règles d’indemnisation de l’assurance chômage par décret, en lieu et place des partenaires sociaux.

Dans un premier temps, il prolonge les règles actuelles de l’assurance chômage, issues d’une réforme contestée du premier quinquennat Macron et qui sont arrivées à échéance, le 1er novembre. Un décret a été pris en ce sens par anticipation, fin octobre.

Le projet de loi enclenche aussi la possibilité, par décret, de moduler certaines règles d’assurance chômage (comme la durée d’indemnisation ou les conditions d’ouverture de droits) en fonction de la situation du marché du travail, promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Contrat d’intérim

Bien que les syndicats y soient unanimement opposés, une concertation est en cours avec les partenaires sociaux jusque fin novembre, le gouvernement souhaitant faire appliquer cette modulation, début 2023.

« L’accord trouvé par les députés et les sénateurs est une bonne nouvelle pour notre objectif de plein-emploi. Nous poursuivons les concertations avec les partenaires sociaux pour de nouvelles règles d’assurance chômage plus adaptées à la conjoncture », s’est félicité, sur Twitter, le ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Pour arriver à cet accord, la majorité a dû accepter un durcissement du texte des sénateurs LR auquel le ministre était initialement opposé.

Désormais, deux refus en un an d’un CDI après un CDD ou un contrat d’intérim sur le même poste, le même lieu avec la même rémunération entraîneront la perte de l’indemnisation chômage. Ce sera à l’employeur d’en informer Pôle emploi.

Un risque « d’usine à gaz »

« Le gouvernement n’en voulait pas mais nous n’avons pas plié », a déclaré la rapporteure du texte au Sénat, Frédérique Puissat (LR).

Le rapporteur à l’Assemblée, Marc Ferracci (Renaissance), a souligné avoir « accepté la mesure dans un souci de compromis » mais il pense qu’il y a un risque « d’usine à gaz ». « Est-ce que les employeurs vont s’engager dans la démarche (pour pointer les refus de CDI, NDLR) ? », s’est interrogé le député, qui a « un gros doute sur la faisabilité ».

Pour le groupe LR, « l’assurance chômage est et doit demeurer un système assurantiel destiné à pallier les difficultés de la vie ; ce ne peut plus être un guichet qui ouvre des droits rechargeables et utilisables à volonté ».

En outre, les agents du contrôle à Pôle emploi devront vérifier si le CDI refusé entre dans les « offres raisonnables d’emploi » définies par le demandeur d’emploi avec son conseiller (zone géographique de recherche, salaire et temps de travail attendu, etc...). En cas de deux refus d’offres raisonnables, l’allocation peut déjà être supprimée.

« Mais cette règle n’est pas appliquée », souligne Éric Chevée, de la CPME (petites et moyennes entreprises), sceptique « sur l’appropriation de ce nouveau dispositif par Pôle emploi ».« De la communication »

« On n’arrive pas à juguler le fait que des entreprises enchaînent les CDD, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures », a renchéri son homologue de la CFE-CGC, Jean-François Foucard, pour qui cette mesure « est de la communication ».

Retour à la date butoir du 31 décembre 2023

À l’article premier, l’accord en CMP revient, en revanche, à la date butoir du 31 décembre 2023, votée à l’Assemblée nationale, pour la prolongation des règles actuelles de l’assurance chômage. Les sénateurs l’avaient ramenée au 31 août. « C’est un point très important » alors qu’une concertation sur la gouvernance de l’assurance chômage doit être menée, selon le rapporteur à l’Assemblée. Cela « ramène les partenaires sociaux autour de la table », a relevé son homologue au Sénat.

Enfin, sur les paramètres pour les entreprises du bonus-malus, dispositif qui a vocation à limiter les contrats courts, députés et sénateurs en sont revenus à la version Assemblée, qui n’exclut pas les fins de missions d’intérim du calcul.

source : www.letelegramme