Assurance chômage : l’Unédic doute de la légalité de la réforme

Publié le 18 mai 2021


Le projet de décret rectificatif a été dévoilé aux partenaires sociaux mercredi. Il vise à corriger le précédent mode de calcul des indemnités, qui pénalisait les actifs après une période de congés maternité, maladie ou d’activité partielle. Sans y parvenir, selon les syndicats.

Promesse tenue. Un nouveau projet de décret sur la réforme de l’assurance chômage a été présenté mercredi aux partenaires sociaux pour corriger «les effets non voulus» de l’ancienne version, parue le 30 mars au Journal officiel. Elle comprenait notamment la mise en place au 1er juillet d’un nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), intégré à la seconde partie de la réforme de l’assurance chômage.

Dans une étude rendue publique début avril, l’Unédic estimait à 1,15 million le nombre de demandeurs d’emploi dont l’allocation sera réduite par ce modèle, bien plus que les 800 000 comptés par le gouvernement en novembre. L’organisme paritaire s’est aperçu que l’opération ne parvenait pas à «neutraliser» les périodes de congés maternité, de congés maladie ou d’activité partielle. Pour gommer cette rupture d’égalité, l’exécutif propose donc aux partenaires sociaux un nouveau mode de calcul du SJR. «Le projet de décret prévoit la reconstitution, dans le cadre du calcul du SJR, d’un salaire fictif au titre de certaines périodes de suspension du contrat de travail ou de périodes au cours desquelles le salarié percevait une rémunération réduite», explique la fiche de présentation du futur décret consulté par Libération.

 

«De l’incompétence mathématique à l’incompétence juridique»

Dans un avis transmis mercredi au ministère du Travail, l’Unédic pointe cette fois-ci le risque d’illégalité d’un tel correctif. Le nouveau décret ne parle plus de «neutralisation» mais «d’intégration d’un salaire reconstitué». Problème : cette modalité serait, selon l’instance administrée par les partenaires sociaux, contraire au code du travail, «notamment dans les cas où le salaire de référence pourrait être majoritairement constitué d’un salaire qui n’a jamais été perçu par l’intéressé et donc non soumis aux contributions d’assurance chômage», souligne la note. Autrement dit, la loi prévoit de calculer le SJR grâce aux jours où le salarié cotise, or, il ne cotise pas pendant les périodes de congés maternité, maladie ou l’activité partielle.

«On passe de l’incompétence mathématique à l’incompétence juridique», déplore le représentant de la CGT au bureau de l’Unédic, Denis Gravouil. Les partenaires sociaux ne se contentent pas du décret rectificatif qui «ne change pas le problème de fond de ce deuxième volet de réforme», assure le délégué syndical. Selon lui, «il s’agit d’une correction à la marge, car le mode de calcul qui pénalise les travailleurs alternant contrats courts et périodes de chômage reste inchangé». De même pour Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO), qui estime dans les colonnes de Ouest-France que «reconstituer les salaires serait une sacrée source d’erreurs» et «ne supprimera pas la différence de traitement» que dénoncent la majorité des syndicats.

«Ce sont des positions politiques !»

«Quand j’ai été alertée sur le fait que des personnes qui avaient des congés maladie ou maternité ou qui avaient été placées en activité partielle pouvaient être pénalisées par les nouvelles règles, j’ai demandé immédiatement à mes services de corriger cet effet, se défend la ministre du Travail dans le Parisien. Personne ne sera pénalisé, une solution a été trouvée, qui est extrêmement protectrice pour le demandeur d’emploi.»

 

Ce n’est pas l’avis des numéros 1 syndicaux, Laurent Berger (CFDT) et Philippe Martinez (CGT) en tête. Dans une tribune publiée dans le Monde mardi, les deux hommes s’unissent avec d’autres responsables syndicaux pour le retrait d’une réforme qu’ils jugent «indécente», dans la mesure où elle pourrait, selon eux, accentuer des inégalités sociales qui se sont creusées depuis un an avec la pandémie de Covid-19 et les arrêts ou ralentissements de l’économie. «Sur ce sujet-là, certains responsables syndicaux ont une position qui n’est plus en lien avec le contenu de la réforme. Ce sont des positions politiques ! dénonce Borne dans le 

Parisien. Or c’est assez surprenant de voir tout le monde défendre un système qui a encouragé la précarité depuis des années et qui est injuste.»

L’entourage de la ministre du Travail n’a pas souhaité, jeudi, réagir à cette note de l’Unédic. Après avoir déjà fait tomber une première fois cette réforme devant le Conseil d’Etat, la CGT, la CFDT, FO, Solidaires, la FSU, l’Unsa et la CFE-CGC ont prévu de déposer un second recours la semaine prochaine.

 

source : liberation.fr